Le rêve du robot ...
C'était un de ces rêves que l'on fait parfois, ceux qui semblent si réels qu'on se demande s'il ne sont vraiment que des rêves... Il y avait des voix qui venaient de loin, mais celles-là ne venaient pas d'un rêve, seulement mes colocataires qui discutaient à haute voix, comme s'il n'avait pas pu en être autrement... La nuit de la veille avait été courte, et dans mon lit, je paressais, la tête ailleurs, avec pour seule idée, me rendormir, et pour cela penser à un rêve dans lequel je pourrais me glisser discrètement... Un paysage obscur s'offrait à moi, celui qui s'offre à chacun lorsqu'on ferme les yeux, et soudain je me retrouvai tombant de haut, au beau milieu de ce qui semblait être un entrepôt, les yeux vers le sol, et le coeur battant, mais pas de peur de m'écraser, ni de peur tout court.... Je me rappelai, la seconde d'avant dans mon lit, puis celle-ci... A deux reprises, j'eus cette impression de me cogner, bien avant d'atterrir, bien que le sol paraissait loin, bien que ma chute s'avérait sans fin, alors je pensai au mur à côté de mon lit, puis au coin de ce mur, me disant que dans une fougue inexpliquée je m'étais mis à gigoter dans mon lit... Il me paraissait même improbable que cette douleur ne fût qu'une idée, tellement elle semblait réelle, et d'ailleurs tout ici aurait pu semer le doute, mais c'était un rêve, je le savais... J'avais les cheveux emportés par la vitesse de ma chute, je pouvais sentir le vent souffler sur mes bras et siffler dans mes oreilles... A part ça, tout était silencieux, très sombre, de plus en plus sombre, et en y repensant, je me répète cette métaphore qui me dit qu'il n'y a pas de retour possible, que j'ai laissé la lumière derrière moi pour venir m'écraser dans l'obscurité totale, un jour ou l'autre, peut-être demain, peut-être même plus tôt que je ne le pense... Je pouvais voir des escaliers métaliques autour de moi, un peu comme ceux qu'on voit dans les films, à l'extérieur des immeubles, dans les quartiers New-Yorkais, le plus souvent dans des impasses, ces escaliers par lesquels on prend la fuite... Il se passa dix secondes environ, quinze secondes peut-être, mais elles me parurent étrangement longues, agréables même, mais c'était surement du au plaisir que l'on éprouve lorsqu'on paresse au lit, lorsqu'on laisse la fatigue nous emporter et nous bercer, nous arracher des griffes d'un monde cruel, injuste et bien trop compliqué pour nous emmener là où tout paraît plus simple parce qu'on ne se pose pas de questions... Je m'écroulai au sol, et même en rêve j'ai eu l'impression de ressentir une douleur, celle que l'on doit certainement éprouver lorsque l'on s'écrase réellement au sol... Mais ce n'est rien, rien comparé aux douleurs que l'on doit traverser dans la vie, rien comparé à ce que j'ai déjà traversé... Je ne l'avais jamais remarqué, mais il existe deux vies dans le monde, il y a le rêve, parfois même cauchemar, c'est pour moi la meilleure vie, la plus généreuse, celle qui, des deux, ne se montre pas traitre, si ce n'est lorsque la réalité vient y mettre un terme... Et puis il y a la réalité, la seule qui vraiment nous berce d'illusions, qui nous offre tout pour nous le reprendre ensuite, qui nous inflige ce fardeau qui est de vivre, longtemps, dans un monde ou les choses sont toujours faites ainsi... Je me relevai, je fis quelques pas vers une lueur lointaine, une lueur bleue, ou plutôt deux, j'avançais doucement, je pense même que je boitais... Je me retrouvai face à une sorte de robot, une sorte de statue de pierre, de totem, un visage qui me rappela celui des statues vouées aux divinités Incas... Le robot me fixait de ses grands yeux bleus lumineux, et il me semble qu'à cet instant je perdis tout sens du toucher, ainsi que la plupart de mes autres sens, et je me retrouvai soudain en apesanteur dans un milieu complètement noir, levitant seul face au robot... Le robot s'adressa à moi à quatre reprises, à chaque fois que je donnais un "accoup" de concentration, et ses yeux se mirent à luir de plus belle... Quatre phrases, chacune d'une importance capitale pour ma vie dans la réalité, pour mon avenir, pour mieux comprendre mon passé... Je ne me souviens pas des trois premières, seulement de la dernière... "IL Y A UNE RAISON A TON BUT" ... Ses yeux s'éteignirent enfin, petit à petit, et chacune de mes tentatives à me concentrer pour en savoir plus était vaine, même si elles semblaient redonner un peu d'aplomb à la lueur de ses yeux avant de s'évanouir à nouveau... Une dernière tentative, je me remis à froncer les sourcils et les paupières, et je rouvris les yeux... J'étais là, allongé dans mon lit, dans ma chambre, silencieuse... Je n'avais pas bougé d'une semelle...